02/03/2009

Le Joueur de Dostoïevski

Lecture récente de ce court Roman de Dostoïevski : Le Joueur. Je n'ai en effet pas pu résister au nom aguicheur.

On m'avait prévenu : "Dostoïevski lésine rarement sur le nombre de ses personnages, et prend un malin plaisir à décrire en long en large et en travers toutes les rencontres et relations qui les lient les uns aux autres".

Présenté comme ça, c'est sûr que ça donne pas trop envie.. Mais ce livre raconte avant tout l'histoire d'un gambleur, et même si c'est au 19e siècle, ca reste intéressant..

Petit résumé (de wikipédia) :
Un jeune précepteur, Alexis, au service d'un général à la retraite et de sa famille, arrive en Allemagne à Roulettenbourg, ville d'eaux et de distractions pour la haute société. Là, il revoit Pauline Alexandrovna, la belle-fille, veuve, du général, et dont il est désespérément amoureux. Celle-ci lui demande de jouer à la roulette pour résorber ses dettes ; mais, très vite, il y prendra goût et jouera pour lui...


Le personnage principal joue à la roulette (jeu de pur hasard) et même si il en a conscience, il est tout de même persuadé de pouvoir y gagner :
Oui, il arrive que l'idée la plus folle, la plus invraisemblable, s'affirme dans votre esprit avec une force telle que vous en arrivez à la croire réalisable..
Bien plus si cette idée est conjurée avec un désir violent, passionné, vous finissez parfois par la prendre pour une chose fatale, nécessaire, prédestinée; cela ne peut pas ne pas être, cela ne peut pas ne pas se produire ! Il y a peut-être là encore autre chose, certaine combinaison de pressentiments, un effort de volonté exceptionnel, une auto-intoxication de l'imagination..


Il fait face à la perplexité de son entourage :
(Pauline, qu'il essaye de séduire)
- "vous persistez à croire que la roulette est votre seule planche de salut ?" s'enquit-elle d'un ton railleur.
Je lui répondis très sérieusement qu'il en était ainsi; quant à ma certitude de gagner, je convins qu'elle pouvait paraitre ridicule. "Mais qu'on me laisse tranquille!"


Puis il remporte un soir le jackpot, qu'il claque sans compter :
(Blanche, une courtisane "intéressée"):
- vraiment tu ne regrettes pas que notre argent fonde si rapidement ?
- Mais non qu'il s'en aille au plus vite !
- Mais, sais tu.. Qu'est ce que tu feras après, dis donc ?
- J'irai à Hombourg (casino) et je gagnerai encore cent mille francs.


Evidement il ne réussira pas se refaire mais continuera à jouer. Sa vision du jeu évolue alors :
Oh comme mon cœur battait ! Non, ce n'était pas à l'argent que je tenais ! Je voulais simplement que le lendemain tous ces Oberkellner, toutes ces splendides badoises, que tous ils parlasse de moi, qu'ils se racontassent mon histoire, qu'ils fussent étonné par moi, qu'ils me couvrissent de louanges et qu'ils admirassent mon nouveau succès.
Ce n'était que rêves et préoccupation d'enfants..


Il est devenu addict :
Dès que je m'approche de la roulette, au seul tintement des pièces qui s'entrechoquent en roulant, je suis presque en transe !


Une addiction étouffante :
Je vis, naturellement, dans un état d'alarme continuelle, je joue le plus modestement possible et j'attends quelque chose; je suppute, je passe des journées entières près des tables et j'observe le jeu; je le vois même en rêve. Malgré tout, j'ai le sentiment d'être engourdi, de m'être enlisé dans une sorte de vase.


..qui rend toute confrontation à la réalité douloureuse
(Un ami sincère) :
-"Vous vous êtes encrouté me dit-il, vous avez renoncé non seulement à la vie, à vos intérêts personnels et aux sociaux, à vos devoirs de citoyen et d'homme, à vos amis; vous avez non seulement renoncé à tout objectif, hors de gagner au jeu, vous avez même renoncé à vos souvenirs. Je vous voie enore à une encore à une époque ardente de votre vie; et bien, je suis sûr que vous avez oublié tous les meilleurs sentiments que vous aviez alors. Vos espoirs, vos désirs les plus essentiels, actuellement, ne vont pa au-delà de pariet impair, rouge, noir, la douzaine deu milieu, etc. J'en suis sûr !
-Assez ! S'il vous plaît ! m'écriai-je avec contrariété .."



Bref, cette histoire n'est pas celle d'un joueur gagnant - pas comme dans La Gagne de Bernard Lenteric. Dostoïevski partage ici son propre vécu, notamment son addiction au jeu de hasard.
Le ton est souvent désabusé, même si le personnage principal s'assume complètement en temps que joueur.

Contrairement à la roulette, le poker n'est (d'après moi) pas un jeu de pur hasard.
Au poker, les résultats sont moins aléatoires qu'à la roulette (heureusement!), mais l'aspect addiction est assez semblable.

A lire pour les addicts donc..

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Clairement, c'est un très bon livre, très bien écrit, comme tous les ouvrages de Dostoïevski.
De toute façon, je ne suis pas objectif, j'adore Dostoïevski.

Le comparer au bouquin de Lenteric est lui faire injure: Lenteric n'a pas un bien grand talent de narrateur.

A lire et à relire !

aldanjah a dit…

"Lenteric n'a pas un bien grand talent de narrateur"..
Pas gentil pour Lenteric ce que tu dis là.
Peut-être ne suis-je pas un "lecteur à la hauteur", car moi j'ai bien aimé lire ses bouquins.

Anonyme a dit…

Mon opinion sur Lenteric n'a rien à voir avec tes qualités de lecteur, ne mélangeons pas tout !
Selon moi, mais je reconnais que c'est une opinion personnelle donc sujette à débat, je trouve que Dostoïevski a un style nettement supérieur à celui de Lenteric.
Par aileurs quand tu avais parlé du bouquin de Lenteric, tu avais aussi mentionné le livre de Paul Auster "la petite musique du hasard". J'ai lu ce livre, et, toujours selon moi, je l'ai trouvé bien meilleur que celui de Lenteric.

aldanjah a dit…

Je me devais de défendre Lenteric, dont j'ai lu plusieurs romans. Son style est très agréable : il y a de l'action, et il est facile d'avaler un livre en 2 jours (même si parfois on peut trouver les intrigues et les dénouements peu crédibles).

Du peu que j'ai lu de Dostoïevski, c'est axé psychologie des personnages, et il y a beaucoup moins d'action.

Quant à "la musique du hasard" de Paul Auster, il est sur la liste de mes futures lectures.

(Pour les curieux de Lenteric, je conseille "Substance B")

Anonyme a dit…

Moi, je préfère "Substance Mort" du grandissime Philipp K. Dick !

aldanjah a dit…

+1 pour Philipp K. Dick
auteur de Loterie Solaire :)